JOURNAL DE BORD DES ATELIERS SOCIOLINGUISTIQUES. MAISON CITOYENNE MAISON DE QUARTIER EST. ROMANS SUR ISERE, DROME.

mercredi 18 décembre 2013

La dernière séance de l'atelier créatif démarré en octobre 2012 !

Et voilà voilà.
Hier, dernier mardi avec les femmes de ce groupe, celles qui ont démarré avec moi l'atelier créatif que j'ai animé en bénévole depuis octobre 2012.

On a travaillé une année scolaire entière (2012-13) et fait notre exposition en mai. Un très grand moment.

J'ai repris timidement en octobre 2013, sachant que j'allais remplacer une collègue ensuite, en salariée, à partir de janvier, et pas auprès de ce groupe, celles de l'atelier.

Hier était donc le dernier jour. Mais depuis la semaine dernière j'avais emmené un peu tous les groupes dans la confection de cartes de voeux en peinture et collages.

Tout le monde était au travail mardi 16 décembre. Je n'avais pas mon appareil photo le matin où neuf cartes furent réalisées pendant que les autres femmes écrivaient dans les cartes déjà faites et remplissaient les enveloppes.

Nous avons bu le thé, et j'ai conclu avec elles, les félicitant pour toutes leurs oeuvres ( tout est dans ce blog ) et la progression dont elles ont fait preuve. Si timides et se dévalorisant au début. Si confiantes et autonomes à la fin.

Unique, chacune, avec maintenant leurs idées personnelles, leur pratique singulière, et des rendus qui me touchent et m'étonnent toujours.

L'essentiel, je l'ai écrit dans mon précédent article, n'est pas le résultat sur le papier mais la démarche en soi. Et en soi la démarche, le vrai chemin, sentier buissonnier qui nous fait.
Tous ces moments intimes et sans voix, qui laissent traces, parmi les traces de peintures et de colle, des traces intérieures qui nous aident à être. L'Oser. Prendre un pouvoir, aussi petit soit-il, et apprendre, découvrir toujours et à tout âge.


L'après-midi, avec un groupe  qui démarre ces activités créatrices avec moi ( en tant que formatrice salariée) , six femmes ont joué le jeu encore une fois, avec le sourire. Tout est nouveau pour elles.

Je précise que je n'ai donné que deux couleurs de gouache, bleu et rose, volontairement.



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Comme pour le matin, le travail au doigt n'a pas posé problème et au contraire. Elles ont pu voir son intérêt et ses atouts dans ce cas précis. J'espère y revenir car c'est un contact et une pratique que je trouve essentiels.









Avec ce groupe j'envisage de tenter l'exploit de faire trois cartes-maison entre janvier en juin 2014.

Puis de les envoyer à des amis ( issus de mon réseau- personnes de confiance) , amoureux de l'art postal et/ou du courrier,  qui nous répondront dans le mois par une carte-maison aussi.
Rien de compliqué, on n'est pas des artistes, on s'amuse, on apprend. Collages, peinture ou autre dessin ? Je ne sais. Nous improviserons !

Neuf destinataires-amis qui n'auront pas peur de créer un petit truc pour nous, sans chichis, m'ont donné leurs adresses. Rendez-vous en 2014 ? Chiche !

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vendredi 13 décembre 2013

Art postal et cartes de voeux

Et bien nous y revoilà en pleine peinture et collages !

Cette semaine j'ai remplacé une collègue et n'étais plus disponible uniquement pour l'atelier créatif. J'ai décidé de consacrer mon jeudi à initier les deux groupes ( matin et après-midi) à la confection de cartes de voeux. Nous avions testé cela à l'atelier. Une forme d'arbre peinte puis des petits papiers déchirés sur les branches.

Les groupes de jeudi n'avaient jamais peint avec moi ( et peut être jamais tout court).

Tout le monde s'y est mis gaiement. Le but est de faire au moins deux cartes. Ecrire ensuite "Bonne année, 2014, Bonne santé " dedans et, et.....amener des enveloppes, glisser les cartes dedans et écrire l'adresse du destinataire et celle de l'expéditeur au dos. Autant dire "Toute une expédition" !!

Et à qui les envoyer ? Voilà une question à laquelle je n'avais pas pensé et qui s'avère finalement délicate et cruciale. J'y reviens en fin d'article.

Première étape : Tester pinceau et gouache sur du papier brouillon. Dessiner la forme d'arbre ou tout autre chose.





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Comme vous le voyez, ce n'est pas l'imagination qui a manqué.

Ensuite sur le format plus petit, en papier Canson. On attaque peinture + collage.
Là c'est vraiment plus difficile et déroutant surtout.
Doucement on tente, et on s'étonne du résultat. Avec peu de chose ( mais beaucoup de courage car il faut oser) on a tout de suite un bel effet.


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Faut-il en mettre partout, tout couvrir ? Ou un peu disséminé ? Je ne réponds pas à la question, je les laisse faire car le choix est déjà naturellement en cours...Puis je prends la carte pour leur permettre de regarder de loin. Alors ? On en rajoute ? On continue ? On arrête là ?

A leurs yeux et leurs expressions sur le visage, je sais qu'elles savent.
Ces moments là sont les plus extraordinaires pour moi.
Le résultat c'est une chose, mais c'est la petite partie de l'iceberg qui surnage.
Le reste, ce qui se passe à l'intérieur de la personne, le courant qui se créé et fait glisser l'iceberg avec beauté. C'est dedans, oui. Et par moments c'est visible.
C'est tout l'intéret du travail. Ce qui se voit si peu à l'extérieur...et qui est si difficilement évaluable.

La personne qui a fait la carte ci dessous est très timide, en tout cas comme handicapée pour s'exprimer en français. Elle a tout dans la tête mais les phrases se heurtent, sont un fardeau à extraire. Tout le contraire de son visage, de ses expressions très joviales et généreuses.

Je souris bien fort en moi en la voyant remplir, remplir, remplir ses créations.
Elle a tellement à exprimer, qu'elle ne sait plus par où commencer ni finir.
Un vrai feu d'artifice. Nous avons bien ri.

Elle m'a demandé parfois, du regard, si ça allait, si plus ? si moins ? Mais je n'ai rien dit, juste encouragé
Cela débordait tellement, c'était unique, c'était elle. Et elle s'y plaisait. Moi aussi.





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On est libre, on peut tout se permettre.

M. est silencieuse et se prend la tête dans la main, appuyée sur la table, comme souvent.
Sa tête sans doute est si lourde...

Elle est totalement concentrée sur sa peinture
Sur la première feuille de brouillon elle n'est pas satisfaite et tout de suite en veut une autre
"Non non c'est pas bien ça".
Elle recommence
Puis elle démarre sa première carte.
Elle ne sera guère contente mais je vois qu'elle y a mis une grande intention, une volonté de dire.


Toutes ont fait deux cartes. Pour toutes je leur ai proposé de refaire un arbre car " La première fois on ne sait pas, on essaie. La deuxième fois on a des idées nouvelles qui arrivent."

Elle ne dit rien.
Elle prend moins sa tête dans sa main.
Je ne sais pas pourquoi mais je la vois s'évader vers chez elle, vers son île qui a connu tant de malheurs, de violences et de flots de réfugiés.

Elle est celle qui va sortir le plus du cadre proposé ( je n'en propose un que pour rassurer, toujours ravie de les voir faire autre chose).
Elle choisit, coupe , déchire et assemble avec détermination les papiers à coller.

Quelle émotion, quelle beauté !


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Toutes ainsi deviennent autonomes dans leurs choix au fil des deux heures. Collage ou pas, motif, couleurs.
Certaines savent s'arrêter quand il faut, elles veulent " ne pas trop mettre" " comme ça c'est bien, ça suffit". J'admire, moi qui ne sait pas faire cela.

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Cette femme qu'on a connu si refermée et malheureuse va beaucoup mieux et ne cesse de sourire en peignant des merveilles.
Elle semble très à l'aise, sûre d'elle, dans son élément.



Les cartes s'exposent, sèchent un peu partout, à la fin de la journée je n'ai pas encore pu tout prendre en photos.




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S. qui a fait cette carte a, elle aussi, déchiré son premier brouillon.
" Non c'est trop moche" dit elle en riant puisqu'elle rit tout le temps.
J'ai vécu dans son pays d'origine, c'est vrai qu'on rit même quand on y raconte sa famille décimée par le génocide. Moi aussi j'y avais appris à sourire surtout quand rien ne va.

Je crois qu'elle veut peindre, vraiment comme peindre un tableau

Elle finira par être contente de ses cartes.

Toutes ont tiré parti de leurs erreurs sur la première carte pour améliorer la deuxième

Première carte de S. (ma photo est mauvaise, j'ai bidouillé pour un rendu meilleur)
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Quand on utilise l'option " inversion des couleurs" c'est superbe !


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Pour la deuxième carte certaines ont tout fait en peinture, sans collages




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Ensuite elles ont écrit dans la carte.



Mardi nous finissons.

Maintenant à qui envoyer ??

Je ne pensais pas que ce serait difficile de trouver des destinataires.

Nous verrons mardi. Il faut choisir la personne et aussi connaitre son adresse.

Une femme m'a dit " Il faut envoyer ça ?!! Non, moi il vont se moquer."
j'ai encouragé, discuté. Un ami ?
- Un ami ne se moquera pas.

" Non, personne. tout le monde va se moquer de moi je peux pas l'envoyer".

Outche.

Ben ça, ça m'a fait peine.
Toujours la dévalorisation, les moqueries de la famille.
Au dernier atelier en petit groupe, une femme, nouvelle à l'atelier  avait fait une peinture sur une feuille blanche. Je lui dis "Emmenez la chez vous, vous la collez sur le frigo !".

- Ouh là là ! A la maison !?? Mon mari qui va dire quoi ? Les enfants encore dire" maman tu as fait de la cabouillasse encore". Non."
Et de laisser sa peinture sur la table. Une cabouillasse bonne à jeter...


Outche. Aïe.

Hier soir en revenant de cette journée "carte de voeux" je relate l'histoire : " Je peux pas envoyer, tout le monde va se moquer", à quelques amies artistes en herbe ( ou plus), amatrices d'art postal. 

QUOI ? " Mais nous on veut la recevoir cette carte et on en envoie une en retour."
Je crois qu'elles ne plaisantent pas. 

Quelle bonne idée !

Je verrai mardi ce qu'il en est. Mais on peut tout à fait projeter de refaire des cartes-maisons entre janvier et juin, les envoyer "à des amies inconnues" qui s'engageront à répondre dans le mois suivant.
Il se trouve que nos ateliers de français ont un partenariat avec La Poste cette année !

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mardi 3 décembre 2013

Trois femmes et leurs arbres

Mardi 3 décembre.
Nous démarrons les dernières séances avec l'idée de faire des cartes de voeux.

Je choisis trois femmes qui aiment venir et nous reprenons le modèle de l'arbre de la semaine dernière.
Elles sont un peu inquiètes sur le dessin de l'arbre. "Je vais vous aider" dis-je

En fait, je prends du papier canson, je le mets au bon format et leur montre simplement une forme tronc et branches. Elles n'auront plus besoin de moi ensuite. Chacune se débrouille très bien et dans son style très personnel, pour peindre un arbre puis coller dessus des petits papiers déchirés.





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( mon "modèle" à l'arrière)


Je suis bluffée par la force de leurs styles
Et leur assurance. 
Elles ne mont rien demandé, n'ont plus besoin d'être encouragées et rassurées toutes les minutes. Elles ne doutent plus comme elles doutaient l'an dernier en démarrant la peinture.
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De plus, l'écart entre ce qu'elles montrent d'elles et ce qu'elles produisent est parfois extraordinaire.

Par exemple, la personne qui peint cet arbre ci-dessous semble timide, plutôt refermée .
Elle va faire des arbres puissants, avec de l'aplomb et des couleurs chaudes. Elle utilise très bien le noir, ce qui n'est pas facile.

Trois femmes, trois premiers arbres. On les distingue vraiment bien les uns des autres.

Elles qui aiment copier et recopier dans leurs apprentissages ( chose contre laquelle je me bats, on n'apprend rien en copiant), ici c'est impossible, la personne "intérieure" parle, déborde.

Et s'exprime totalement




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Chacune fera deux cartes

A l'intérieur elles ont écrit en majuscules et grosses lettres

BONNE ANNEE 2014



Ci dessous on dirait que cet arbre marche !


Je suis ravie et fière d'elles.




L'une d'elle me fait très plaisir car elle se dévalorisait toujours l'an dernier. Ses traits sur le papier
sont souvent hésitants et manier le pinceau fut délicat au début.
Maintenant elle aime dessiner, elle est souriante et contente de ce qu'elle fait. Elle ramène des dessins très colorés faits chez elle. 
A la fin de l'atelier, je suis entrain de ranger, je passe dans le couloir et je la vois immobile, rêveuse devant des panneaux de l'expo de mai qui ont été ressortis et trônent dans les couloirs, posés au sol.

Sur fond noir, des dessins sont collés. De beaux dessins.

"C'est beau hein ? " lui dis-je
 - Oui, ça c'est moi !
Elle pointe un de ses dessins. 
Elle est toute réjouie.
Moi aussi.


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